Vincent Bawedin, géographe

Le désensablement de la Baie de Somme en question

 

Dans un article du Courrier Picard de ce lundi 5 septembre 2016 (p. 4), semble remise au gout du jour une vieille antienne : l’extraction de sable en baie de Somme !

 

LPBS-Actes-Baie-de-Somme-copie-1.jpg

 

Il est regrettable que les arguments avancés dans l’article, pas tous très scientifiques, fassent l’impasse sur les nombreuses études officielles, sorties de terrain et débats publics qui ont eu lieu récemment sur le sujet.

 

Je renvoie notamment à un article que j’ai écrit sur la question (2011), paru dans le n° 23 de l’association fondée par feu le Recteur Robert Mallet (grand défenseur de la Baie de Somme)  « pour le Littoral Picard et la Baie de Somme (LPBS) », accessible ici : Cliquez ici puis pages 12 à 17. L'association tiendra d’ailleurs un stand aux journées des associations (Agora) à Saint-Valery et Amiens le 10 septembre prochain, ainsi qu’au Crotoy dans le courant du mois (et ce, chaque année).

 

Il convient également de renvoyer aux Actes du colloque « La Baie de Somme en question » (1999), organisé par LPBS et l’Université de Picardie Jules Verne (UPJV) ainsi qu’aux récents Livret guide et compte-rendu de l’Atelier de terrain tenu à l’automne 2013 en baie de Somme, qui concernait, entre autres, ce sujet (cliquez ici), à l’initiative d’EUCC-France (branche nationale de Coastal & Marine Union).

La question de l’extraction du sable a également été très sérieusement abordée par les meilleurs spécialistes au sein d’une Commission mise en place il y a 4 ans via le Conseil général de la Somme. Il en est ressorti 2 Verbatim riches de réflexions. Les carriers y disent notamment l’intérêt tout relatif qu’ils portent à cette question (accès au bilan de la Commission – 2 comptes-rendus + note de synthèse (2012) –  en cliquant ici) et en expliquent les raisons.

 

La préconisation de l’article susmentionné concerne une extraction non plus au large, qui semblait – malgré les risques pour les activités liées à la mer, l’équilibre sédimentaire et la biodiversité – plus logique et réaliste en termes juridiques et de dynamique côtière, mais dans la baie de Somme, bien en amont. Autrement dit, au cœur de l’estuaire. Sans en préciser l'objectif réel : utilisation à des fins de rechargements de plages (Le Crotoy, Quend) - ce qui mériterait de creuser... la question -, le sable restant alors dans le stock global nécessaire à l'équilibre du système côtier, ou uniquement à des fins commerciales et industrielles ? Il importe, qui plus est, d'avoir à l'esprit que les freins juridiques qui concernaient l’hypothèse de l’extraction au large ne seront qu’amplifiés en ce qui concerne une extraction dans l’estuaire, pour ne s’en tenir qu’à ce domaine là (quid des conséquences sur les activités de chasse sur le DPM, de pêche, sur la faune, etc… ?).

 

Le principe de réalité amène plutôt à multiplier les expériences initiées par le Conseil général et poursuivies par le Conseil départemental de la Somme (chasses hydrauliques à Saint-Valery pour ne citer que cet exemple) et à multiplier les initiatives encore trop novatrices en France, telles que la dépoldérisation, la réestuarisation et autres techniques plus douces utilisées par les anglo-saxons. Car pas plus que « les gens ne viendront dans la baie si c’est pour voir de l’herbe », ils ne viendront pour voir des exploitations industrielles !

 

Pour éviter que certains ne tombent dans un écueil qui consisterait à privilégier une activité économique industrielle au détriment de l’intérêt général, il importera d’avoir une approche globale, systémique et prospective qui ne fasse néanmoins pas l’impasse sur les débats antérieurs sur ce sujet, dont les conclusions sont déjà riches d’enseignements.

 

Vincent BAWEDIN, Géographe

Docteur des universités, chargé de cours à l’UPJV

Expert, Réseau européen des littoraux – EUCC-France

 



05/09/2016
0 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 2 autres membres